Vers holorimes

Connaissez-vous les vers holorimes? Parfois aussi écrits  »olorimes », ce sont des vers qui riment d’un bout à l’autre. En jouant avec l’assonance de mots similaires, cette caractéristique les rend entièrement homophones.

Bien qu’ils soient souvent presqu’aussi complexes à décrypter qu’à composer, ils représentent à mon avis un défi linguistique tout à fait délicieux. Tenant davantage de la prouesse linguistique que de l’extrait littéraire, elles restent néanmoins un genre très intéressant pour les poètes amateurs de jeux de mots. Les permutations phonétiques nécessaires à leur création en font un divertissement intellectuel stimulant, autant pour leur créateur que pour son lecteur.

Le premier sonnet complet répertorié utilisant ces rimes homophones serait le poème  »Invitation » écrit en 1892 par Jean Goudezki, et dédié à Alphonse Allais. La figure de style est cependant employée depuis bien plus longtemps, sans toutefois devenir l’élément central du texte. Un poème composé exclusivement de vers holorimes peut en effet rapidement devenir très ardu à lire. Cela vient en partie du fait de le rythme de lecture classique de récitation tend à nuire à l’assonance nécessaire entre chaque strophe. En tenant également compte des quelques syllabes où il est presque impératif de tricher en utilisant un son semblable mais non identique, l’entreprise se complique alors davantage. Ajoutez à cela l’accent spécifique à l’auteur venant influencer la sonorité des mots jumelés en parallèle et il devient clair que de soutenir une telle construction lyrique peut vite devenir épuisant à lire.

Malgré tout, certains auteurs semblent avoir atteint une maîtrise non négligeable du genre. Ces derniers parviennent alors à rendre la rime fluide et claire, tout en lui donnant un contexte assez facilement visualisable. Louise de Villemorin et Lucien Reymond, entre autres ont produits de magnifiques exemples de ces petites merveilles poétiques. C’est d’ailleurs avec les deux premières strophes du poème  »l’alphabet des aveux » de Louise de Villemorin que j’ai découvert cette figure de style, bien que je n’aie appris que récemment que le tour de force était plus répandu que je ne le croyais. C’est en 2001, je crois qu’un enseignant suppléant présenta cet extrait à ma classe de jeunes préadolescents du primaire.

Étonnamment monotone et lasse
Est ton âme en mon automne, hélas!
- Louise de Villemorin, l'alphabet des aveux

Bien que j’aie immédiatement trouvé le style accrocheur, son effet n’aurait probablement jamais été aussi marquant si le jeune homme ne l’avait pas fait suivre par une bravade ma foi assez pompeuse. Ce dernier nous affirma effectivement de but en blanc qu’aucun d’entre nous ne parviendrait jamais à un tel niveau de maîtrise de la langue. Piquée dans mon orgueil de première de classe, j’ai rentabilisé les quinze minutes suivante, soit la totalité de la récréation, à pondre la rime suivante:

C'est le vent d'hiver, semant sourires d'enfants 
S'élevant diversement sous rires d'enfants

Je ne suis habituellement ni prétentieuse ni rancunière, mais qu’on n’insulte pas mon intelligence sans au moins la mettre à l’épreuve. Cet enseignant l’aura appris à la dure. Avec le recul, je ne lui en garde cependant pas rancœur. Je serais même tentée de le remercier pour cette occasion de me prouver à moi-même ce dont j’étais capable. Je le salue donc au passage, où qu’il puisse être.

Pour le plaisir, je vous laisse donc ici quelques exemples trouvés ici et là sur internet. Si le cœur vous en dit, je vous invite par ailleurs à me faire part en commentaire de vos propres créations du genre. Au plaisir de vous lire!

Et ma blême araignée, ogre illogique et las
Aimable, aime à régner, au gris logis qu'elle a.
- Victor Hugo
Par les bois du Djinn, où s'entasse de l'effroi,
Parle et bois du gin !… ou cent tasses de lait froid.
- Alphonse Allais
Dans ton site sévère assistant sa prestance,
Danton cite ces vers, assis, stance après stance.
- Lucien Reymond
Elle sort, là-bas, des menthes,
La belle Ève à l'âme hantée.
Et le sort l'abat, démente...
L'abbé laid va lamenter.
- Louise de Villemorin
 L'âme est moirée par mille émois, sans torts.
La mémoire est parmi les mois, centaure.
- Louise de Villemorin
Aventurier de l'inconnu, 
avant tu riais de l'inconnu
- Nekfeu

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